Chemin Stevenson

Randonnée sur le chemin de Stevenson GR®70 de Cassagnas en Lozère à Saint-Jean-du-Gard via le Plan de Fontmort, le Col de la Pierre Plantée, le Serre de la Can, Saint Germain-de-Calberte, Saint-Étienne-Vallée-Française, le Col de Saint Pierre, Pied-de-Côte et Le Raset.


GR®70 De Cassagnas (Lozère) à Saint-Jean-du-Gard

Les Cévennes dans le Gard

 

Neuvième étape: 19,5 km, +380m Et se lève le dernier matin « ordinaire » de ce périple. Chacun a, me semble-t-il, envie de donner encore plus de saveur à cette journée. Heureux, nous entamons notre dernière montée, -ou presque, car j'en ai oublié une dans les comptes du lendemain et elle forcera nos derniers kilomètres et nos dernières heures ensemble. Pour l'heure, dans le sous-bois, tout près, ceux qui ne connaissent pas vont pouvoir entendre le brâme du cerf ; en plein jour, c'est merveilleux aussi ; on se dit que l'on traverse un espace qui ne nous appartient pas, soyons discret pour le respecter. À travers le faîte des arbres, très haut, passent les rayons du soleil et leurs traits descendent parfois jusqu'à nous, belle douche de lumière. Le chemin Stevenson s'élève en sous-bois jusqu'au col du plan de Fontmort.

Une étrange légende y est liée ainsi qu'à d'autres lieux de la montagne au nom saugrenu, elle dit le calvaire d'une fille-mère condamnée à errer en portant une pierre, mythe de Sisyphe revu en version locale. La malheureuse femme dut enterrer son « enfant mort » au Plan de « Fontmort », son chien dans la « Fosse du Chien », puis réfugiée dans la jasse de « Escota se Plou », « Écoute s'il pleut », est la question qu'elle aurait posée à son âne avant de gravir avec son fardeau la montagne de « La Vieille Morte ». Triste histoire pour un pays qui en a connu beaucoup.

Ane sur le StevensonA ce col, nous rejoignons la route royale dont nous croiserons des bornes plus loin, construite au temps des guerres de religion pour permettre un passage plus aisé des troupes et débusquer les Camisards dans leurs forêts. Elle nous offre ici un paysage élargi vers le midi, sur un versant sud de bruyères, de petits pins et de bouleaux. Mais déjà les lieux furent fréquentés, notre marche croise aussi bientôt une tombe mérovingienne dont l'isolement et la position exposée face à la vue me conviendraient bien ( !) et des menhirs toujours sur des positions stratégiques, dominantes, ou cols. C'est l'un d'eux qui assiste à notre dernier apéritif, avec lecture par Renée du passage approprié de l'œuvre de Stevenson et fumée du cigare offert par Pierre à Denis ! La « Pierre Plantée » a vu passer bien des hommes à son pied, elle seule, imperturbable, reste debout. L'après-midi, nous changeons de versant pour descendre vers Saint Germain de Calberte, le pays est de plus en plus méridional.

Keneth tenu devant est suivi par Popov, plus facile à rappeler à l'ordre quand il fait un écart et donc autorisé à plus de liberté. Pourtant, en quantité, c'est sans doute lui qui fait le plus de déviations. Les rares maisons croisées, dont certaines à l'abandon, sont en schiste, pierre associée à un sol sec et pauvre ; une seule est habitée le long de notre sentier. Nous y croisons un troupeau de moutons avec chiens, berger et une chèvre pas rassurée par notre passage qui tape du pied pour nous intimider. L'homme nous explique comment se fait la récolte des châtaignes à l'aide des filets que nous avions remarqués, disposés sous les arbres. Il faut ensuite être équipé d'une souffleuse coûteuse qui sert à séparer les bogues piquantes de leurs fruits, lesquels ne sont vendus presque rien à une coopérative. Le châtaignier est l'arbre du pays cévenol, il lui a donné son bois et ses fruits lui permettant de vivre à ses pieds pendant des siècles, mais il a été malade, les habitudes et les goûts ont changé, les hommes sont partis voir si les villes sont plus hospitalières. Pour vivre dans ses pentes arides, il faut s'accrocher, comme les maisons et les jardinets de Saint-Germain de Calberte sur les terrasses. Il n'y a ici que des châtaigniers, des pins et des pierres. Peu d'hommes peuvent y rester avec quelques moutons. En bas, au fond de la vallée, on aperçoit le château de Saint-Pierre, restauré.

GR70 StevensonLe village est mignon avec son air de tristesse associé à ses rues désertes et à ses schistes sombres, le paysage en dessous et des cheminées bizarres avec un pied se séparant en deux attirent l'attention des uns tandis que je fais le tour par une petite ruelle toute étroite, avec une très vieille treille et sur une porte, peinte sur des morceaux de tôle et étrangement dissimulée à l'arrière des façades, se cache une sentence : « Les trois écueils de la vie : l'ignorance relative, la brièveté de l'énergie, l'inaccessible sagesse ». En sortant du village, autre chose peu courante chez nous, sur le même panneau sont annoncés les horaires des offices catholiques et protestants, beau témoignage de tolérance dans un pays où la religion fit tant de bruit.

Et nous descendons toujours, jusqu'à la rivière ; preuve encore de l'ambiance méridionale, les dégâts de ses crues marquent les alentours. Pour l'heure, elle est sage et petite, et notre dernier gîte nous attend de l'autre côté, une charmante maison de schiste toute biscornue, et en plus pour nous tout seuls car nos hôtes n'habitent pas sur place. Lui a été guide de haute montagne et s'est converti en loueur d'ânes et dans le tourisme cévenol. Nos ânes « à nous », nourris par Christian, sont installés de l'autre côté de la route et nous dominant de quelques mètres viennent nous observer, comme s'ils étaient à un spectacle, ou comme s'ils savaient que c'est le dernier soir. Le feu de cheminée éclaire cette ultime soirée, sa fumée la parfume, on y sent déjà un au revoir. Un petit tour nocturne le prolonge pour les trois mêmes que la veille, intrigant au passage quelques chiens de la vallée peu discrets.

Dixième et dernier jour: 15 km, +410m Et c'est déjà le dernier matin. Denis, qui doit rejoindre Saint-Jean du Gard avant nous, se lève à 6 heures. Nos chuchotements dans la pénombre, la lumière mouvante des frontales dans la vieille maison endormie comme des bougies ancestrales, l'odeur de la fumée froide de la cheminée éteinte pourraient être d'un autre temps. L'atmosphère et la température sont douces. Dehors, Keneth et Popov nous regardent, leurs deux têtes et les arbres se dessinent en ombres chinoises sur le ciel. Un petit croissant de lune entourée d'un halo s'y détache encore à cette heure-ci.

Cévennes GR®70 Chemin de StevensonAu revoir, mon frère, bonne marche dans la solitude avec un regard à la Stevenson sur le paysage en éveil, avec tes pensées à toi sur le retour à la vie parisienne. Je m'assoie à la terrasse, regarde l'apparition des couleurs et écoute. Un chien pleure, les oiseaux chantent et l'eau coure. Dans le ciel, les nuages, ou attendent, ou défilent, épais, mais laissant un grand espace où le bleu de plus en plus se dessine, chassant la nuit. La lune moins contrastée se veut plus discrète.

La maison commence à bouger, et nous allons devoir nous activer pour tenter d'arriver à 14 heures à Saint Jean du Gard, revenir au démarrage de notre périple et assurer un retour chacun chez soi dans la soirée. Peine perdue, le trajet est un peu long pour réussir cette prévision, Gisèle a raison, je vais encore nous faire presser. Ce dernier jour ne finira pas en apothéose.

Rejoindre Saint-Etienne-Vallée-Française n'est d'abord pas très plaisant, en fond de vallée et sur goudron en partie. Je perds le groupe un moment pour appeler le propriétaire de nos ânes ; comme Robert Louis Stevenson, nous allons devoir nous en séparer à Saint-Jean du Gard, il faut savoir où nous allons devoir les abandonner. La montée puis la descente du Col de Saint Pierre au-dessus offrent de belles dernières visions sur des vallées de lumières. Nous empruntons un moment les traces de la Route Royale avec ses ornières imprimées dans le roc. Et après le col, ultime récompense, des arbouses mûres agrémentent le chemin. Dans ces derniers lieux de tranquillité, se fait une autre halte puis le groupe se scinde pour gagner du temps car Keneth et Popov ne sont pas rapides, et on dirait encore moins sur ces derniers kilomètres comme s'ils regrettaient d'arriver.

Saint-Jean du Gard GR®70 Chemin de StevensonLa dernière portion non agréable sur le goudron semble une éternité et ils me font un peu « bouillir » sachant que nous avons du retard et m'en voulant aussi d'avoir si mal soigné le jour final et les adieux, triste aussi de les quitter. Enfin, un pré plein de haute herbe verte les accueille et du coup, ils ne se soucient plus de nous, c'est plus simple ! Renée va leur dire au revoir tout de même tandis qu'avec le taxi les bagages sont récupérés, c'est la dernière image avec celle de la course dans les rues de Saint-Jean du Gard à la recherche de notre deuxième taxi, mes parents, qui sont allés à un autre lieu de rendez-vous !

Saint-Jean du Gard, ses pierres blanches frappées par la lumière du soleil, l'arche de son pont à l'arrivée, sa gare et sa grande place aux nombreux platanes, voilà une carte postale de l'arrivée, malheureusement bien impersonnelle faute d'avoir partagé en groupe un dernier moment de tranquillité. Déception pour moi, mais sourires tout de même sur les visages de mes compagnons. Pour les derniers moments, il fallait bien se raccrocher au fil du temps, nécessaire et difficile étape pour lier le voyage à nos vies, être à l'heure au départ et à l'arrivée et au milieu avoir oublié les repères en marchant hors du temps.Au final, beau chemin tout de même dans les pas de Stevenson, avec nos neufs regards accordés au rythme de Popov et Keneth.

Ce récit ne retrace qu'une de nos visions et ne se veut pas objectif. Il est marqué par l'attachement particulier que porte mon cour à la marche au fil de temps et de l'espace, comme une lecture orientée de notre périple vers la lumière des paysages et les paroles des pierres venues du passé, des mots de Stevenson aussi. Je les revois, je les entends ainsi que la rencontre de nos personnalités au fil des jours et de l'expérience partagée où Keneth et Popov ont aussi leur part. Notre véritable voyage est dans notre vécu commun et ne peut s'écrire, peut-être ressurgirait-il ici où là en parcourant à nouveau un bout de route ensemble ? par Catherine Revel

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L'Etoile Maison d'hôtes à La Bastide Puylaurent entre Lozère, Ardèche et Cévennes

Ancien hôtel de villégiature avec un magnifique parc au bord de l'Allier, L'Etoile Maison d'hôtes se situe à La Bastide-Puylaurent entre la Lozère, l'Ardèche et les Cévennes dans les montagnes du Sud de la France. Au croisement des GR®7, GR®70 Chemin Stevenson, GR®72, GR®700 Voie Régordane (St Gilles), Cévenol, GR®470 Sources et Gorges de l'Allier, Montagne Ardéchoise, Margeride et des randonnées en étoile à la journée. Idéal pour un séjour de détente.

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